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Ange Vergèce

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Ange Vergèce
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Ange Vergèce (en grec : Άγγελος Βεργίκιος)[N 1] (1505–1569), est un maître écrivain[N 2] d’origine crétoise, actif à Venise puis en France.

Biographie[modifier | modifier le code]

Vergèce est issu d’une des grandes familles de Crète ; il est probablement de La Canée, port sous domination vénitienne.

Il arrive à Venise autour de 1530 et y exerce déjà son métier d’écrivain puisqu’on connaît un manuscrit de sa main daté de 1535 dans cette ville. Il perfectionne probablement sa manière au contact d’Alde l'Ancien, imprimeur versé dans les textes humanistes. L’ambassadeur de France auprès de la Sérénissime est alors Lazare de Baïf.

Peu avant 1538, on retrouve Vergèce à Paris, sans doute dans le sillage de Lazare de Baïf ; il enseignera le grec au fils de Lazare, le poète Jean-Antoine de Baïf. Vergèce est chargé de la collection royale des manuscrits grecs de Fontainebleau, sous la supervision de Pierre Duchâtel, grand aumônier de François Ier et « maître de la librairie » (bibliothécaire du roi). Cette collection passe sous le règne de François Ier d'une cinquantaine de volumes à plus de cinq cents. Vergèce travaille à une liste préliminaire en 1545, puis rédige des catalogues soignés entre 1549 et 1552, avec la collaboration de Constantin Palaeocappa.

En , Vergèce figure dans l’édit rendu par François Ier en faveur des professeurs et lecteurs du Collège royal sous la mention Angelo Vergetio nostre escrivain en grec : il est en effet écrivain ordinaire du roi sous François Ier (puis sous Henri II et Charles IX), et chargé de la correction chez l’imprimeur du roi pour le grec.

Bien payé par le roi[N 3], célèbre pour la qualité de son travail, Vergèce, même s'il parle mal le français, pénètre dans les réseaux humanistes, rencontre Pierre de Ronsard, enseigne non seulement l’écriture grecque mais aussi sa prononciation. Sa compagnie et son enseignement sont recherchés par les familles sensibles à la culture humaniste. Il devient emblématique de cette caractéristique fondamentale de la Renaissance : la recherche, la copie et l’étude des textes anciens. Jean-Antoine de Baïf parle ainsi de Vergèce dans l’épître dédicatoire de ses Œuvres en rime (Paris : 1573) adressée à Charles IX :

Ange Vergece, grec, à la gentile main
Pour l’écriture grecque ecrivain ordinére
De vos granpere et pere et le vostre, ut salère
Pour à l’accent des Grecs ma parole dresser,
Et ma main sur le trac[N 4] de sa lettre adresser[1].

En 1561, Vergèce a, avec un sergent à verge du Châtelet de Paris, un procès dont les extraits qu'on a conservés ne donnent pas de lumière sur le fond de l’affaire[2]. Il est détenu en attendant le jugement de son appel, puis mis en liberté provisoire (limitée à Paris et ses faubourgs) pour pouvoir « vacquer aux affaires du Roy, lui faire le service qu’il estoit tenu luy faire comme de son estat de scripteur et correcteur de l’impression du Roy en langue grecque ».

Vergèce a une fille qui travaille pour lui en réalisant des illustrations très soignées dans plusieurs de ses manuscrits[3],[4] ; son travail peut être admiré dans quelques copies du De natura animalium de Manuel Philè.

Nicolas Vergèce, son neveu, l’accompagne dans les milieux humanistes et est lié à Jean-Antoine de Baïf et Ronsard. On connaît de Nicolas Vergèce une Etrene et une Contr-etrene poétiques échangées avec Baïf, et quelques manuscrits grecs[5].

La dernière date portée sur les manuscrits de Vergèce est 1568. Il meurt en 1569.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Page de titre de l'Hexameron copié par Ange Vergèce (Paris Maz. : Ms. 4452).

Manuscrits[modifier | modifier le code]

Les manuscrits copiés par Vergèce sont au nombre de plus d’une cinquantaine ; une liste, datant de 1885, figure dans Legrand, p. cxxv-cxxvi. Les auteurs sont souvent des classiques grecs ou latins : Polybe, Manuel Philè, Euclide, Oppien, Homèreetc.

Manuscrits choisis :

Polices[modifier | modifier le code]

Les « Grecs du roi »

Les « grecs du roi », polices de caractères grecs taillées et fondues par Claude Garamond pour l’imprimeur Robert Estienne, ont été exécutés d’après les modèles de Vergèce entre 1544 et 1550, et peut-être, pour la première police (de corps moyen), sous la supervision de Conrad Néobar, imprimeur du roi pour le grec. Ces caractères dépassaient largement, par leur beauté et la richesse de leurs ligatures, les caractères grecs dessinés par Geoffroy Tory.

Établissement de texte[modifier | modifier le code]

En 1554, Vergèce établit le texte grec de Mercurii Trismegisti Poemander, seu de potestate ac sapientia divina…. Paris : Adrien Turnèbe, 1554 (impr. Guillaume Morel), . Traduction latine par Marsile Ficin[6].

Traduction[modifier | modifier le code]

En 1556, Vergèce publie chez Charles Estienne Libellus de fluviorum et montium nominibus et quae in iis reperiuntur, traduction d’un traité attribué à Plutarque. Le livre paraît avec une dédicace à Claude Laval, évêque d’Embrun, et signée Ang. Ver. (Paris BNF)[7],[N 5].

Documents[modifier | modifier le code]

  • Nicander Nucius (Nikandros Noukios), de Corfou, rencontre Vergèce à Paris en 1546 et le mentionne dans ses Voyages[9].
  • Il existe des autographes de Vergèce dans les papiers d’Henri de Mesmes (Paris BNF (Mss.) : Ms. Lat. 10327).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Également connu sous les noms d'Ángelos Vergíkios, Ángelos Bergíkios, Angelo Vergecio ou Angelus Vergetius.
  2. Le mot « écrivain » a toujours dans cet article le sens de maître écrivain.
  3. Le manuscrit Paris BNF (Mss.) : Grec 2339 contient une ordonnance signée par François Ier le 3 janvier 1539 qui montre que Vergèce recevait 450 livres tournois pour sa pension et son « entretenement » entre le 1er janvier 1538 et le 31 décembre 1539. Cette ordonnance est transcrite par Legrand, p. clxxvii.
  4. « Trace », explique la note de Becq de Fouquières.
  5. Charles Delattre est moins catégorique : « que l'on attribue généralement à Ange Vergèce »[8].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Au Roy ». In Poésies choisies de J.-A. de Baïf, Charpentier, 1874, p. 3
  2. Henri Omont 1916.
  3. Dain 1934
  4. Voir aussi Legrand, p. clxxvi, point 6.
  5. Le manuscrit Psi-IV-9 de la bibliothèque de l’Escurial porte sa signature.
  6. Legrand, t. I, no 131
  7. Fiche SUDOC
  8. Charles Delattre 2011, p. 18.
  9. Extrait transcrit dans Legrand, (el) p. clxxxii

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alphonse Dain, « La fille d’Ange Vergèce », Humanisme et Renaissance, no 1,‎ , p. 133-144.
  • Alphonse Dain, « Commerce et copie de manuscrits grecs », Humanisme et Renaissance, no 4,‎ , p. 395-410.
  • (fr + grc) Charles Delattre, Nommer le monde : origine des noms de fleuves, de montagnes et de ce qui s'y trouve (édition et traduction de l'ouvrage attribué à Plutarque), Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Mythographes », , 148 p. (ISBN 978-2-7574-0205-4).
  • (de) Ernst Gamillscheg, Dieter Harlfinger et Herbert Hunger, Repertorium der griechischen Kopisten 800-1600, Vienne, Österreichische Akademie der Wissenschaften, coll. « Veröffentlichungen der Kommission für Byzantinistik », .
  • (en) Philip Hofer et G. W. Cottrell Jr., « Angelos Vergecios and the bestiary of Manuel Phile », Harvard Library Bulletin, no 8,‎ , p. 323–339.
  • Marie-Pierre Laffitte, Reliures royales du Département des Manuscrits (1515-1559), Paris, Bibliothèque nationale de France, coll. « Conférences Léopold Delisle », , 133 p. (ISBN 2-7177-2165-7) — Les pages 114-117 sont consacrées aux manuscrits de Vergèce.
  • Marie-Pierre Laffitte, « Manuscrits de la famille Vergèce en reliures à médaillons peints (1554-1569) », Revue de la Bibliothèque nationale de France, no 12,‎ , p. 25-31.
  • Émile Legrand, « Ange Vergèce », dans Bibliographie hellénique, Paris, (lire en ligne), t. I, p. cxxv-cxxxvi. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Pierre de Nolhac, Ronsard et l'humanisme, Paris, Champion, , p. 39.
  • Henri Omont, Catalogues des manuscrits grecs de Fontainebleau sous François Ier et Henri II, Paris, Imprimerie nationale, , XXXIX-466 p. (lire en ligne).
  • Henri Omont, « Procès d’Ange Vergèce au Châtelet et au Parlement de Paris (1561) », Bibliothèque de l’École des Chartes, no 77,‎ , p. 516-520 — Les sources de cet article sont à Paris, Archives nationales : X2a 128, et Bibliothèque nationale de France, Ms. N.A.F. 8061 f. 122-123.
  • (en) Glenn Peers, « Forging Byzantine animals : Manuel Philes in Renaissance France », Rivista di studi bizantini e neoellenici, no 49,‎ , p. 79-103.
  • (en) Glenn Peers, « Thinking with Animals: Byzantine natural history in sixteenth-century France », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, no 68,‎ , p. 457–484.
  • (en) Glenn Peers, « A Cretan in Paris : Angelos Vergekios and Greek natural history in the French Renaissance », dans Pepragmena Th’ Diethnous Kretologikou Synedriou. Elounta, 1-6 Oktovriou 2001. Tomos B2: Architetektonike, Istoria tes Technes, Nomismatike, Topographia kai Topiographia, Diepistemonikes Symvoles, Herakleion, , p. 419-440.

Liens externes[modifier | modifier le code]